Bonjour tout le monde ! On se retrouve aujourd'hui pour une nouvelle interview. Venez à la rencontre de Leanor Lark, l'autrice de Mienne sera la Nuit publiée chez Ed Addictasy.
Qui es-tu ?
↠ Présente toi !
Leanor Lark est mon nom de plume, mais il n’est pas très éloigné de ce qui est écrit sur ma carte d’identité. Je suis née à Paris, en 2001, et j’y ai grandi.
Après quelques années en études de droit, j’ai commencé à écrire et j’ai pris la décision de tout arrêter pour me réorienter en lettres modernes. J’en ai profité pour déménager, mon chat sous un bras et ma bibliothèque sous l’autre : je suis donc Rouennaise d’adoption depuis un peu plus d’un an, en colocation avec une amie autrice (on a poussé le principe de la retraite littéraire au niveau supérieur, oui).
J’aime les nuits d’orage, les claviers dits « typewriter », écouter les mêmes playlists en boucle, pleurer sur mes propres manuscrits à trois heures du matin et couvrir tous les murs de mon appartement de Post-its (même si, je l’admets, c’est davantage une nécessité pour ne rien oublier qu’une véritable passion).
↠ Depuis quand t'es venue cette passion pour l'écriture ?
J’ai toujours inventé mille histoires. Enfant, je lisais énormément : cette passion pour les livres a beaucoup alimenté mon imaginaire. J’adorais les rédactions à l’école, j’ai eu quelques idées de romans, mais rien ne s’est concrétisé : je n’avais pas encore l’endurance nécessaire pour écrire sérieusement, et vivre mes petites histoires dans ma tête me suffisait.
Arrivée au lycée, ma vie d’adolescente a pris le dessus, et j’ai laissé la lecture de côté pendant plusieurs années. Je n’ai pas arrêté d’imaginer pour autant, mais le reste prenait tellement de place que mes histoires intérieures sont passées au second plan.
Et puis, alors que j’étais encore en licence de droit, je suis retombée dans la lecture un peu par hasard. En l’espace de quelques semaines, j’ai dévoré un grand nombre de romans… et l’envie d’écrire, de VRAIMENT écrire, est arrivée. J’ai écrit, du coup. Beaucoup. Des romans, des nouvelles, et même une tentative de recueil de poèmes (dont je ne parlerai pas davantage, il ne sera jamais déterré).
Trois ans plus tard, mon amour pour les mots et les histoires est encore là, et n’a pas l’air disposé à s’en aller.
Parlons de ton parcours d'autrice !
↠ Comment as-tu été publiée par Ed Addictasy ?
C’était toute une aventure !
Fin 2022, j’ai décidé de participer au concours Fyctia « Shadows » avec mon roman en cours d’écriture, « Mienne sera la nuit ». Je sortais de nulle part, je ne connaissais personne sur la plateforme : j’ai donc été extrêmement surprise lorsque l’histoire a été propulsée dans le top 4 du classement de popularité du concours et s’est retrouvée en finale !
Je n’ai pas gagné, mais comme j’avais participé au concours sans rien en attendre, je n’ai pas été déçue. J’ai tout de suite retravaillé le roman, notamment grâce au retour des éditrices d’Hugo, et j’ai commencé mes envois en maisons d’édition.
Encore une fois, j’ai été surprise : au lieu de plusieurs mois de délai de réponse, j’ai eu une première proposition de contrat en une semaine, puis une seconde trois jours plus tard. Cette deuxième offre provenait d’Addictives (à qui j’avais envoyé mon manuscrit sur les conseils d’une autre autrice, mais je n’en attendais rien : à l’époque, Addictasy était un secret encore en pleine conception en interne, et la ME ne publiait que de la romance contemporaine).
Fin juin 2023, après quelques semaines de discussions avec les éditrices, je signais ; et en mars 2024, à l’issue de longs mois de travail éditorial, le roman est sorti !
↠ Mienne sera la Nuit est ton premier roman. Comment t'es-tu préparée aux avis positifs comme négatifs ? Aux séances de dédicaces ? Et comment vis-tu toute cette expérience ?
Honnêtement, c’est presque impossible de se préparer. On peut se donner tous les pep-talks qu’on veut, une sortie reste une grande claque ; positive comme négative.
Au début, on prend les avis positifs comme la meilleure nouvelle de la journée, les avis négatifs comme une condamnation à mort de notre carrière d’auteur·ice, et les moments de creux où rien ne sort comme le signe que le roman ne se vend pas. On surveille les plateformes littéraires et les réseaux sociaux, plusieurs fois par jour, au point de l’obsession.
Et puis, avec les mois qui s’écoulent, on commence à mettre de la distance. Maintenant, je suis toujours contente de voir passer un avis positif (et tellement reconnaissante envers les personnes qui prennent la peine de le donner !), mais les avis négatifs ne me touchent plus du tout. Dans le meilleur des cas, j’en ris ; dans le pire, je hausse les épaules et je passe à autre chose.
S’agissant des séances de dédicaces : mis à part penser à prendre des stylos et réfléchir à quelques phrases « bateaux » à écrire pour les inconnu·e·s n’ayant pas encore lu le roman, il n’y a pas grand-chose à faire pour se préparer.
La bonne nouvelle, c’est que les dédicaces sont la meilleure chose au monde. J’adore rencontrer mon public, discuter avec tout le monde, échanger des blagues (souvent nulles, de mon côté) et des anecdotes. J’ai aussi découvert que j’adorais réussir à vendre mon roman aux curieux·se·s, trouver les bons mots selon la personne en face de moi : c’est grisant !
Je suis toujours dans un état d’anxiété atroce juste avant que ça commence, mais dès que les lecteur·ice·s arrivent, je rentre dans une sorte de bulle de bonheur ; j’ai cette impression intense d’être exactement là où je dois être, d’avoir trouvé ma place, et la joie que ça me procure est assez indescriptible.
La conclusion, c’est que je ressors plus forte, plus blindée émotionnellement de cette première parution. Plus résignée, aussi, et davantage consciente de la réalité du milieu, qui est loin d’être rose.
Je n’ai qu’une certitude : si cette expérience ne m’a pas dégoûtée de l’écriture et de l’édition, c’est qu’il s’agit vraiment de ce que je veux faire. Que j’ai trouvé ma « voie », d’une certaine façon.
Je ne m’infligerais pas ce périple dans la jungle de l’édition si ce n’était pas le cas ; je ne suis pas assez masochiste pour ça.
Attardons-nous sur le marché de l'édition et la romantasy, quelques instants.
↠ Pourquoi avoir fait le choix de la romantasy ? Qu'est-ce qui t'as attirée dans ce genre ?
Petite, je lisais de tout, mais ma grande passion était la fantasy. J’ai grandi bercée par les sagas de Pierre Bottero, par exemple (et elles resteront éternellement dans mes coups de cœur littéraires).
En recommençant à lire, il y a trois ans, j’ai voulu retrouver mon amour pour la fantasy. Mais j’avais grandi : mes attentes avaient donc changé. Je voulais quelque chose en plus, une tension romantique, des histoires d’adultes. Comme je suis anglophone, j’ai dévoré la version originale du Prince Cruel (Holly Black), avant de passer à la saga ACOTAR (Sarah J. Maas), puis à Throne of Glass (SJM, toujours)… et j’en passe.
Quand je me suis mise à écrire, j’ai donc été très influencée par mes lectures récentes. J’ai débuté par une tétralogie de high fantasy (j’en ai écrit 2 tomes en très peu de temps, puis j’ai fait une pause pour me consacrer à d’autres projets, et maintenant la saga est en attente d’une suite - et surtout d’un bon gros ravalement de façade), avec une romance secondaire.
Au fil de mes lectures et de mes projets, je me suis rendu compte que si j’adorais la fantasy pure, sans qu’une romance soit nécessaire, j’étais fascinée par la construction des personnages et les liens se créant entre eux ; surtout quand lesdits liens participaient à leur développement, leur évolution.
J’ai fini par réaliser que ce qui me plaît, dans l’écriture, c’est justement travailler cette évolution, pour pouvoir achever mes romans en me disant que mes personnages n’ont plus besoin de moi pour avancer ; qu’ils ont assez grandi pour faire leur vie loin de ma plume.
La romantasy, donc, m’a paru être un bon compromis : je pouvais exploiter mon imagination un peu trop débordante pour créer des mondes et créatures fantastiques, tout en me tordant les neurones pour faire évoluer mes personnages au travers d’une histoire d’amour (ou d’une histoire d’amitié, ou d’une histoire de famille ; mais chaque roman, chaque personnage a besoin de choses différentes).
↠ Aujourd'hui, il y a une hype énorme autour de la romantasy et surtout sur les réseaux sociaux. Est-ce que tu as ressenti une certaine pression / attente de la part du public ?
La pression et les attentes du public sont devenues une réalité assez récemment ; depuis la promotion et la sortie de « Mienne sera la nuit », en fait. Avant ça, je n’avais que très peu conscience de l’existence de Bookstagram/BookTok et autres communautés littéraires sur les réseaux sociaux.
Maintenant, en effet, je sens cette pression. Elle est assez paralysante, d’ailleurs : pour produire un livre susceptible de se vendre, on doit concilier ce qu’on veut écrire et ce que le gros du public veut lire. Les maisons d’édition sont des entreprises ; la plupart (surtout les grosses ME) refuseront les manuscrits ne s’inscrivant pas dans les tendances actuelles, parce qu’ils ne seront probablement pas rentables.
Du côté des auteur·ice·s, ce n’est pas toujours simple. Il est extrêmement difficile de vivre de sa plume : si je veux y parvenir un jour, il faut que je me plie à ce que recherchent les ME. Je dois donc régulièrement mettre de côté ce que je veux vraiment faire pour penser à ce que les maisons d’édition et le public voudraient que je fasse, accepter de faire des compromis, et même si je finis par aimer le résultat, le processus d’écriture peut avoir un aspect assez contraignant.
↠ D'ailleurs, penses-tu que la romantasy est une mode qui va passer ? Comment vois-tu l'évolution du genre ?
Je ne pense pas que la romantasy soit une mode qui passera, mais je pense qu’elle est destinée à évoluer. C’est déjà le cas : le public n’a plus les mêmes attentes aujourd’hui que lors de l’arrivée du genre sur le marché francophone.
« Romantasy » est un terme très large, qui englobe une quantité phénoménale de sous-genres ; au fil du temps, certains de ces sous-genres auront davantage de succès que d’autres. On peut déjà d’ailleurs prédire les futures tendances en se basant sur le marché du livre anglo-saxon (américain, surtout) : ils ont toujours une longueur d’avance sur nous, et la romantasy est loin d’avoir dit son dernier mot chez eux.
Et puis, même si un jour la romantasy ne se vend plus autant, il ne faut pas oublier qu’elle est issue de la fusion de deux genres majeurs, qui existent et font parler d’eux depuis longtemps : la romance et la fantasy. D’autres fusions littéraires suivront, et rien n’empêchera les auteur·ice·s de romantasy de suivre le mouvement, ou de revenir à l’une ou l’autre des fondations du genre qui les a fait connaître.
↠ De quoi t'es-tu inspirée pour ton roman ?
Fin 2022, après avoir achevé le premier jet d’un roman de littérature générale qui m’a beaucoup coûté émotionnellement, j’ai eu envie de me vider la tête, d'écrire quelque chose de léger, dans lequel je ne serais pas autant impliquée.
À la suite d’un défi idiot avec une amie, mon choix s’est porté sur la bit-lit ; un genre littéraire auquel je ne voue aucune affection particulière, mais qui a l'avantage de ne pas être trop "prise de tête".
Comme d'habitude, mon imagination n’a pas suivi le plan, et je me suis retrouvée à écrire quelque chose qui me ressemble davantage : du féminisme, un univers sombre, de la violence, des dilemmes. Pas un concentré de fantasmes adolescents, en somme, mais plutôt de l'urban fantasy (urban romantasy, plus exactement) comme j'aime.
J’ai ensuite eu envie de me baser sur du réel, de partir d'un fait. Les vampires étant immortels, je suis remontée dans l’Histoire pour trouver un point de départ. Assez rapidement, je me suis intéressée à la famille Médicis. J’ai passé des heures à éplucher leur arbre généalogique, mais ça en valait la peine. J'ai fini par trouver ce que je cherchais : une Médicis morte jeune, dont la fin de vie est trouble. Isabella de' Medici, assassinée à 33 ans par son mari en raison de sa prétendue infidélité.
J’ai donc réinventé la suite des événements. Et si Isabella n'était pas morte ? Et si elle avait trouvé le moyen de vivre éternellement, de disparaître pour échapper à son sort funeste ? Et si de ses relations adultères présumées étaient nés des enfants ?
Voilà. Grimm, ma protagoniste principale, venait d’être créée. Dernière fille d'Isabella de' Medici, changée en vampire par sa mère ; mère qui voue une rancune sans limite à l'humanité (aux hommes, plus particulièrement) pour ce qu'elle a subi et qui, dans sa quête de pouvoir, a déclenché un conflit sanglant entre les Reines vampires d’Europe. Une véritable guerre, dont l'issue est la malédiction de Grimm (ainsi que de toutes les autres Reines) par des sorcières décidées à mettre un terme aux massacres.
Deux siècles plus tard, Alasdair Osborne, Fils de sorcières, fait de l'urbex dans les ruines d'un château écossais. Il y trouve une jeune femme endormie dans un cercueil. Incapable de résister à un bon vieux mystère, il décide de la ramener chez lui .
Et, de là, l'histoire commence.
↠ On voit aujourd'hui qu'il y a une évolution autour du marketing du livre où les tropes sont vraiment centraux pour écrire le roman. Est-ce que c'est quelque chose qui t'a influencée ? Qu'en penses-tu ?
Quand j’ai commencé à écrire « Mienne sera la nuit », je n’étais pas aussi calée en matière de tropes que maintenant. J’en connaissais certains, les plus populaires, sans même savoir qu’on les nommait « tropes ».
C’est après, lorsqu’il a fallu réfléchir à promouvoir le roman avant sa sortie, que le terme « trope » est devenu central, et que je me suis vraiment penchée sur le sujet. Il s’agit, en effet, d’un véritable argument marketing, à sélectionner soigneusement pour atteindre le public cible du roman et parvenir à l’élargir le plus possible.
Je ne sais pas si je peux dire que je suis influencée par les tropes dans mon écriture, mais je sais lesquels s’inscrivent le mieux dans le genre d’histoires que j’aime écrire, dans ma façon de « composer » mes romans. Je me rends bien compte que je les utilise, mais je ne me le dis pas à moi-même parce que ça ne veut rien dire, en matière d’écriture : il y a mille façons différentes d’écrire un enemies to lovers ou un slow burn.
Je ne pense donc pas en tropes, mais en arcs narratifs, en évolution des personnages et de l’intrigue. Si, pour arriver là où je veux, j’ai besoin que mon couple principal commence en tant que rivaux, je le fais. Si leur amour est impossible et qu’il faut 300 pages de galères pour lui permettre de se concrétiser, pas de souci. Si « Personnage A » a eu un début de vie difficile et que je veux l’aider à s’adoucir, et que « Personnage B » voit la vie avec des paillettes et a besoin d’un petit rappel que la réalité n’est pas si belle… Enfin, voilà : vous avez l’idée.
Les tropes restent, à mes yeux, un simple argument de vente. Ce sont des mots-clés, des étiquettes, qui permettent au public de sélectionner les livres qui leur parlent davantage. Dans un marché du livre saturé, ils sont presque devenus des sous-genres à part entière : demander une « romantasy » à un libraire n’élimine plus assez d’options, il faut rentrer dans les détails, dans le type d’intrigue qu’on recherche, et c’est là que les tropes entrent en scène.
↠ Quels éléments caractérisent une bonne romantasy pour toi ?
En un seul mot : équilibre.
Une bonne romantasy allie un univers travaillé et une romance profonde. L’un ne doit pas être délaissé au profit de l’autre (sinon, on tombe dans la fantasy avec une romance secondaire ou dans la romance-fantasy).
À écrire, c’est un vrai défi. En tant qu’autrice de fantasy, j’ai envie de laisser mon imagination prendre le contrôle, de créer 30 000 créatures fantastiques et 18 cartes. En tant qu’autrice de romance, j’ai conscience de l’importance de mettre l’histoire d’amour au premier plan récit. En tant qu’autrice de romantasy, je dois trouver le moyen d’équilibrer les deux, de tisser une romance qui trouve naturellement sa place au cœur d’un univers fantasy, qui occupe une place conséquente dans l’intrigue sans éclipser le reste.
Et dans le futur ?
↠ Est-ce que tu as l'intention d'écrire / publier d'autres romantasy ? Ou souhaites-tu proposer autre chose ?
Je suis très polyvalente ! J’écris de la romantasy, mais aussi de la fantasy pure (YA et adulte) et du contemporain (romance ou non).
La réponse est donc oui, aux deux questions.
J’ai une romance contemporaine à paraître chez Black Ink en 2026, un roman de littérature blanche new adult en recherche d’éditeur, deux sagas de romantasy (high romantasy pour l’une et urban romantasy pour l’autre) que je dois reprendre en main, et je suis en plein dans l’écriture d’un one-shot de fantasy mythologique YA - sans compter les innombrables ébauches de projets, dans des genres divers et variés, qui attendent leur tour dans mes fichiers.
Concrètement, il y en aura pour tous les goûts (ou presque) !
↠ Où est-ce que tu te vois dans 5 ans ?
Toujours autrice, avec plusieurs nouvelles parutions à mon actif. Idéalement, j’aimerais avoir réussi à vivre de ma plume - mais c’est tellement compliqué d’y parvenir que, si je suis plus réaliste, je me serai sans doute tournée vers la traduction ou l’édition en parallèle de l’écriture.
Quoi qu’il en soit, dans cinq ans, je me vois encore me faire briser le cœur par mes personnages en tapant furieusement sur un clavier trop bruyant à trois heures du matin, un orage en fond, toujours la même playlist dans mes oreilles, avec tellement de Post-its sur mes murs que je ne sais plus de quelle couleur est la peinture.
C'est pour aujourd'hui !
Cette interview fut très intéressante et nous présente les dessous de l'édition, et traite bien de la manière d'écrire des livres aujourd'hui à l'ère de Booktok et d'une explosion de la romantasy. Leanor est une jeune femme inspirante et j'espère qu'elle saura vous motiver à ouvrir vos ordinateurs et vous lancer dans votre prochain manuscrit !
Calypso
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