La Dark Romance : pourquoi des histoires sombres captivent tant les lectrices ? Analyse du phénomène.
Bonjour tout le monde ! Aujourd'hui, nous allons analyser le sujet de la Dark Romance, qui fait énormément débats depuis quelques années.
Dans le cadre de ma dernière année de Master, j'ai eu l'opportunité de rédiger un mémoire de recherche sur la Dark Romance.
Comment expliquer en France le phénomène de la Dark Romance auprès des femmes, dans une ère post #MeToo, alors que cette littérature traite, entre autres, de relations sombres, avec des histoires qui flirtent avec l’illégalité et l’immoralité ?
Je vais ici résumer les principaux résultats que j'ai obtenus au cours de ce travail de recherche. Bien évidemment, pour des questions de confidentialité, aucun de mes enquêtées avec lesquelles j'ai pu m'entretenir ne sera mentionné. Ces entretiens ont été établis dans un cadre universitaire et ne sortiront pas de ce cadre. J'en profite pour remercier encore les personnes qui ont pris le temps de répondre à mes questions et de nourrir mon mémoire.
Il est à noter également qu'en Dark Romance, on retrouve majoritairement des femmes lectrices. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'hommes lecteurs, comme on peut le voir sur les réseaux sociaux. Ils restent malgré tout une minorité. C'est pourquoi, vous avez pu remarquer que j'ai fait le choix tout au long de cet article de parler de "lectrice." Malheureusement, le sujet étant encore récent, les statistiques sont peu nombreuses sur le sujet.
Remise en contexte sur la Dark Romance et sa naissance
La Dark Romance n'est pas une littérature nouvelle. Nous pouvons retrouver des origines de la Dark Romance au XVIIIe siècle, avec les écrits du Marquis de Sade. Ces écrits n'étaient pas autorisés à son époque et étaient lus dans des salons littéraires, en petit comité. Nous pouvons aussi citer Histoire d'O de Pauline Réage.
"L’autrice narre en effet le parcours d’une jeune femme, O, emmenée de son plein gré dans un château, et livrée aux désirs de soumission de ses amants. Supplices, tortures, masochisme ponctuent un livre qui montre un phénomène psychologique extrêmement particulier : la volonté d’un sujet pensant d’appartenir, corps et âme, à un tiers."1
A l'époque, la Dark Romance se lisait donc dans la clandestinité. Cependant, tout change avec l'évolution des droits des femmes, la libération sexuelle de mai 68 et la création d'Internet. En effet, la Dark Romance a été massivement mise en avant en auto-édition dans les années 2000 avec la diffusion des livres numériques, des plateformes d'écriture telles que Wattpad ou encore des blogs. C'est aux Etats-Unis que se répand cette tendance littéraire, avant de toucher la France.
L'émergence de la romance y est aussi pour quelque chose. En 2023, les ventes d'ouvrages de romance ont doublé et représentent 7% des ventes de livres en France.2 On le voit aussi par le fait que Sarah Rivens, l'autrice de Captive, s'est hissée dans le top 10 des meilleures ventes de livres en 2023 aux côtés de Morgane Moncomble, autrice à succès de New Romance.3
L'évolution des droits des femmes a permis également de voir évoluer les schémas que nous proposent la romance. Aujourd'hui, on peut découvrir des protagonistes plus indépendantes et sûres d'elles. En effet, comme expliqué, le contexte sociétal a eu son rôle à jouer dans l'évolution des types de récits en romance. Mai 68 a permis aussi de faire évoluer ces questions, notamment sur la sexualité féminine et les tabous autour de celle-ci. Sylvia Ennasserie l'explique dans son mémoire « La romance érotique au XXIe siècle : analyse sociologique et éditoriale d’un genre littéraire médiatique. »
« Les mouvements de libéralisation des mœurs et les revendications féministes des années 1970 ont largement contribué à l’essor de la littérature érotique féminine dans ce contexte d’émancipation corporelle, financière et matérielle. Jusqu’à très récemment, la société a éduqué les femmes avec un regard malpropre sur la sexualité et non pas un besoin au même titre que manger et dormir, alors que cela est revendiqué pour les hommes. (…) Cette nouvelle forme d’érotisme féminin se caractérise dans nos œuvres par la présence de femmes fortes en apparence qui assument leurs envies et exigent du plaisir sexuel. D’ailleurs, les romances exposent des femmes avec un passé sexuel qui guident leur partenaire et se servent du corps de leur amant pour se satisfaire physiquement. » (Sylvia Ennasseri, 2019)
Comment expliquer l'émergence de la Dark Romance depuis 2020 ?
La montée en puissance de la Dark Romance a un lien avec l'émergence de #Booktok, la communauté littéraire présente sur TikTok. On a pu le voir dans mon précédent article sur la question, #Booktok fait vendre. Ce réseau social a massivement participé à la mise en avant de la saga Captive. On dénombre 1,8 million de publications sur l'hashtag Dark Romance. Le hashtag Captive, lui, compte 16,5 millions de publications. (chiffres à date de mai 2024)
Aujourd'hui, Captive est une saga indispensable dans les rayons des librairies. De nouvelles maisons d'édition voient le jour, tout comme de nouvelles collections consacrées à la romance et à la Dark Romance. Les éditeurs s'emparent du succès grandissant de ces littératures. On peut citer la maison d'édition Chatterley créée en 2023. On y retrouve Games de Okéanos S. ou The Ravenhood Flock de Kate Stewart. Hugo Publishing a aussi lancé une collection dédiée à la Dark Romance en 2024 avec Borderline de Joyce Kitten. Pourtant, la maison d'édition avait déjà publié des Dark Romance comme Plonge avec moi de Oly TL.
On le voit également avec une étude réalisée par Babelio sur la romance en mars 2024 auprès de 7030 lecteurs. Sur cette cartographie, le Dark Romance (en jaune) apparaît dans les bibliothèques des lecteurs inscrits sur Babelio à partir des années 2014/2015. La Dark Romance est bien plus présente dans leurs bibliothèques depuis 2022/2024, ce qui concorde avec la mise en lumière de Captive.
L'émergence de la Dark Romance dans une ère post #MeToo
Cet essor de la Dark Romance pose aussi question dans un contexte post #MeToo.
« On ne peut pas nier les progrès qui ont été faits ces dernières années en termes de débat public concernant les violences faites aux femmes et la libération de la parole sur certaines relations d’emprise, notamment dans le divertissement grâce à #MeToo. Cependant, on a l’impression de faire 3 pas en avant et 4 pas en arrière avec ce genre d’ouvrages. »4
Depuis la publication de la saga Captive en 2022, un mouvement contraire au mouvement féministe émerge avec la Dark Romance. On observe aujourd'hui un "backlash", en français « retour de bâton », concept théorisé par Susan Faludi en 1991 dans son essai Backlash, the Undeclared War Against American Women. Elle démontre que « chaque avancée en matière de droits des femmes a été suivie d’une offensive réactionnaire. »5
En effet, on peut le constater avec la montée de l'extrême droite en France, mais aussi, à travers l'Europe. On le voit également avec l'annulation par la Cour Suprême de l'arrêt Roe v. Wade, sur le droit à l'avortement aux Etats-Unis, mais aussi, avec la montée du masculinisme et donc un "rejet" du féminisme considéré comme "agressif."
"Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la montée actuelle des masculinistes, explique Florence Rochefort, chercheuse au CNRS, historienne des féminismes et autrice d’Histoire mondiale des féminismes (PUF, « Que sais-je ? », 2018). Ils exaltent la virilité et le masculin comme des valeurs supérieures, dénigrent systématiquement les femmes et promettent une guerre contre toutes celles qui prétendraient défendre leurs droits à l’égalité."6
La difficulté de classer la Dark Romance :
Définir la Dark Romance a été un point central de ce travail mais aussi, un des plus difficiles car les avis divergent sur ce qu'est ou non une Dark Romance. En effet, quelques années plus tôt, le terme même de Dark Romance n'était pas forcément utilisé pour nommer ces ouvrages. On peut prendre l'exemple de 365 jours de Blanka Lipinska, publiée en 2021. Cette Dark Romance conte l'histoire de Massimo, qui enlève une femme et lui donne un an pour qu'elle tombe amoureuse de lui. Au-delà du fait que les films ont fait polémique sur Netflix, une pétition a été créée pour ajouter des avertissements aux romans et pour le changer de catégorie, étant donné que cette saga était classée en New Romance par Hugo Publishing.7
De plus, définir la Dark Romance légitimerait et donnerait du poids aux récits, qui y sont contés. Certains ouvrages permettraient une remise en question de ces histoires tandis que d'autres romantiseraient les événements contés. En effet, on retrouve dans la plupart des histoires des femmes séquestrées, droguées, violées... C'est pourquoi, la Dark Romance crée tant de débats. Cependant, la Dark Romance ne se résumerait pas à des histoires de "viol". De nombreux raccourcis sont faits autour de cette littérature et cela n'aide en rien à la comprendre, surtout quand on ne sait même pas de quoi elle se compose. De ce que j'ai pu voir au fil de mon enquête, la Dark Romance est souvent résumée à Captive mais en réalité, cette littérature représenterait une multitude d'histoires différentes. Ce qui n'aide en rien sa définition, c'est sa classification par les libraires. En effet, certains rayons en librairie mélangent romance et Dark Romance. D'autres ont plus d'espace pour lui consacrer un espace dédié, comme j'ai pu le voir en me rendant en magasin.
Comment définir une littérature où les limites sont parfois floues ? Comment définir cette littérature alors que chacun est touché par des sujets différents ? Comment la définir alors que sa définition reste très subjective ? Comment la définir alors que cette littérature n'est pas forcément légitimée ? Comment la définir alors que les avertissement sont parfois aux abonnés absents ?
Pour certains, la Dark Romance peut conter une relation saine, tandis que pour d'autres non, celle-ci ne deviendra pas saine. Certains sont plus touchés par des sujets tandis que d'autres le sont par d'autres. Savoir qu'un livre est une Dark Romance ne suffit pas à se préparer à sa lecture. En effet, certains livres abordent des questions de viol, d'agression sexuelle tandis que d'autres vont traiter de cannibalisme ou de pédophilie. Quels avertissement mettre en place ? Il y a différents degrés de violence en Dark Romance.
De plus, les couvertures peuvent être parfois trompeuses et ne permettent pas toujours de déterminer clairement si le livre est une Dark Romance ou non. Certains ouvrages avec des couvertures très sombres sont confondus avec des Dark Romance alors qu'ils n'en seraient pas en réalité, c'est le cas de Troublemaker de Laura Swan ou The Devil's Sons de Chloé Wallerand.
La classification sur les sites de ventes n'est pas toujours cohérente. Par exemple, ici, des Dark Romance sont classées dans le top de ventes des "Thrillers financiers" sur Amazon.
De plus, la question se pose : est-ce que la définition ne serait pas dépendante des lignes éditoriales de chaque maison d'édition ? Ce qu'Hugo New Romance entend comme définition de la Dark Romance, est-elle la même que celle de BMR ou de Black Ink ? C'est ce qu'on peut voir déjà avec la romance. Alors que celle-ci est définie par l'association américaine des auteurs de romances, la Romance Writers of America (RWA), comme une fin heureuse, on voit émerger des romances avec des fins malheureuses.
Alors, comment définir la Dark Romance ?
Dans mon mémoire, à l'issue de mes entretiens et de mes recherches, j'ai donc fait le choix d'utiliser la définition donnée par Wikipédia. Alors, oui, cette source peut être critiquée mais sa définition est assez large pour cadrer les limites qui entourent la Dark Romance et laisser place à son interprétation.
« La Dark Romance (« romance sombre ») met en scène des adultes de tous âges, principalement jeunes entre 18 et 30 ans. Les thématiques traitées sont toutefois différentes, portant sur des aspects plus sombres, notamment la vengeance, le pardon, et les traumatismes psychologiques issus d'enfances difficiles, ce qui rapproche ce genre du drame psychologique. Sous-genre de la littérature sentimentale, la Dark Romance entre dans la catégorie des romances interdites, mettant en scène des relations parfois condamnées par la morale ou par la loi. Dans ce genre littéraire à la frontière entre amour, désir et violence, l'auteur joue avec les limites de la morale et le franchissement de l'interdit. »8
Quoi qu'il arrive, la définition tend à évoluer dans le temps et va s'affiner. On peut imaginer que des courants vont naître pour catégoriser plus précisément la Dark Romance, comme cela commence à être le cas.
Quels rôles ont les professionnels du livre et les parents ?
Tout au long de ce mémoire, mais aussi au cours de mes recherches, je me suis demandée qui avait le rôle d'encadrer ces lectures.
Dans le cadre de la prescription littéraire, toute la chaîne du livre a un rôle à jouer dans la vente de la Dark Romance. Quand il est question des plus jeunes, c'est aussi aux parents de faire attention à ce que leurs enfants achètent.
Certaines librairies mettent en place des affiches en magasin ou des étiquettes (par exemple "pour public averti", "Dark Romance") sur les ouvrages pour informer leurs clients. Cela passe également par les coups de cœurs mis en avant (par exemple, précision du genre et rédaction d'avertissements) et la mise en rayon des livres. La Dark Romance a-t-elle son propre rayon ?
Par exemple l'Ombre d'Adeline est mise sous plastique et n'est pas placée directement en rayon : le livre doit être demandé à un libraire dans le cas de Cultura. Est-ce le cas de toutes les librairies ?
Comme j'ai pu le constater en me baladant en librairie, il arrive qu'il n'y ait aucun affichage sur certains livres, que la Dark Romance soit confondue avec la romance, etc.
Les maisons d'édition ont aussi un rôle de prévention. Cela peut passer par l'inscription d'avertissements, la catégorisation du livre en Dark Romance et d'informer les représentants du contenu des ouvrages pour les pitcher aux libraires.
Concernant l'aspect conseil, les libraires ont-ils un rôle de conseil dans le cadre de la Dark Romance ? Les réseaux sociaux influencent énormément les plus jeunes, les libraires sont donc être présents pour informer les parents, classer les livres en rayons et mettre en place des affichages spécifiques à la Dark Romance. En effet, les influenceurs ont aussi un rôle à jouer, car les réseaux sociaux sont l'un des principaux moyens qu'utilisent les lecteurs pour sélectionner leur prochaine lecture. Dans l’enquête de Babelio, c’est 47,8% du lectorat de romance (sur 4398 répondants) qui se dit influencé par les recommandations de créateurs de contenus littéraires. Les jeunes lectrices ne vont pas forcément demander conseil à un libraire, c'est plus rare. Ainsi, certains influenceurs font de la prévention sur la Dark Romance tandis que d'autres romantisent à travers leurs vidéos la Dark Romance. On peut le voir avec quelques captures d'écran.
Sur ces captures d’écran sont mises en avant des scènes de viol, de possessivité ou de harcèlement, qui sont finalement valorisées pour donner envie aux lectrices de lire ces ouvrages, avec des musiques sensuelles / érotiques. De plus, tous les influenceurs ne précisent pas toujours le contenu du livre ou n'inscrivent pas d'avertissements dans leurs publications. Ils ne font pas tous forcément de prévention sur leurs publications.
De ce que j'ai pu lire dans les médias ou sur les réseaux sociaux, j'ai eu la sensation que les professionnels se renvoyaient la balle pour savoir qui était responsable auprès des plus jeunes. Dans la réalité, chacun l'est.
Je vous donne un exemple de situation, mais le but n'est pas de pointer du doigt qui que ce soit. Imaginons une jeune lectrice souhaitant acheter le tome 1 de The Devil’s Son, qu’elle a découvert à travers une vidéo sur TikTok. L’influenceuse sur la vidéo ne l’a pas prévenue de la scène d’agression sexuelle présente dans le tome 1. Elle se rend ainsi dans une librairie, où la librairie a classé la Dark Romance avec la romance et n’a pas mis de sticker « public averti » sur l’ouvrage. Elle achète seule l’ouvrage sans demander conseil auprès d'un libraire. Elle commence ensuite le livre mais la maison d’édition n’a pas inscrit d’avertissements au début de celui-ci. (effectivement, dans ma version, il n'y avait pas d'avertissements) Comment aurait-elle pu être informée de la scène d’agression sexuelle présente dans ce premier tome, alors que les acteurs de prescription ne l’ont pas mentionnée, ni avertie ?
Pourquoi lisent-elles de la Dark Romance ?
Ce pourquoi est très difficile à déterminer. Les lectrices lisent de la Dark Romance dans un premier temps par curiosité. Elles sont curieuses de découvrir les livres dont tout le monde parle. Elles sont curieuses de découvrir cette littérature. La curiosité est l’une des caractéristiques principales des lectrices de Dark Romance.
De plus, c'est un moyen pour certaines d'explorer les vices humains, de voir jusqu'où l'autrice/auteur est prêt à aller. En effet, certaines lectrices lisent de la romance depuis des années. Elles ont la sensation de tourner en rond et d'avoir lu tout ce qu'il y avait à lire en romance, avec des schémas qui se répètent. D'autres commencent tout juste à lire de la romance et ont encore tout à découvrir.
Les lectrices de Dark Romance souhaitent ressentir des émotions fortes et peuvent s'identifier à certaines situations. Cependant, s'identifier ne veut pas dire vouloir le vivre et c'est ce que théorise Viviane Albenga avec l'identification cathartique : "définir, au sein du champ des possibles, ce qui n’est pas souhaitable de ce qui l’est." L’identification aux personnages leur permet de ressentir de fortes émotions, de se plonger au cœur de l’être humain et de découvrir toutes ses failles. Les lectrices vivent ces histoires pendant un court temps mais ne souhaitent pas vivre ce que le personnage traverse dans leur réalité. Par conséquent, les lectrices sont attirées par des êtres humains « imparfaits » en Dark Romance et souhaitent explorer leur psychologie à travers leurs lectures.
Elles recherchent des intrigues addictives avec de nombreux rebondissements pour les tenir en haleine. Les lectrices en Dark Romance veulent être bousculées pendant leur lecture avec des actions, qui font naître de fortes émotions. Elles veulent que les histoires se focalisent sur le développement psychologique des personnages, de manière approfondie afin d'expliciter les actes des protagonistes.
Encore une fois, l'idée ici n'est pas de faire une généralité, car chaque lectrice a ses propres motivations et chacun est différent. Il serait nécessaire de faire une enquête à plus grande échelle. Ce sont encore une fois des pistes d'analyse. Ce qu'on constate surtout c'est qu'on peut être lectrice de Dark Romance mais ne pas tout apprécier. Certaines refusent de lire certains ouvrages de Dark Romance en raison des sujets abordés, par exemple. Certaines souhaitent une remise en question des personnages. Chaque lectrice est donc différente et cherche dans la Dark Romance des éléments différents. Certaines se mettent des limites dans leurs choix de lecture, tandis que d'autres non. On peut toutefois noter une certaine fascination pour les sociopathes ou psychopathes.
De la fiction à la réalité, comment les lectrices sont-elles affectées par la Dark Romance ?
Certaines arrivent à mettre une barrière et se détachent de ces histoires, en plaçant bien la frontière entre fiction et réalité tandis que d'autres ont plus de difficultés à avoir du recul. Pour certaines, ces histoires se confondent avec la réalité. Certaines éprouvent des réactions physiques et émotionnelles face à la lecture de Dark Romance. Certaines choisissent de ne pas lire certaines scènes. Par conséquent, face à certaines scènes, toutes les lectrices ne vont pas réagir de la même manière. Chaque lectrice est touchée de façon différente, que ce soit psychologiquement ou physiquement.
La frontière entre fiction et réalité est donc primordiale lors de la lecture de Dark Romance. Toutes n'arrivent pas à avoir ce recul sur les événements contés en Dark Romance puisqu'elles peuvent s'imaginer à la place des protagonistes et n'arrivent pas toutes à instaurer une distance. Ce n'est pas pour autant que les lectrices apprécient ce type de littérature ou qu'elles cautionnent les événements qui s'y déroulent. Lire une Dark Romance passe par une mise à distance avec le récit, tout en gardant à l'esprit que l'histoire n'existe pas.
On pourrait même aller plus loin : lire de la Dark Romance permettrait d'avoir un espace de renégociation, comme l'explique Janice Radway :
« Il va sans dire que le traitement du thème du viol heurte les lectrices, même si elles y trouvent une capacité à maîtriser et contrôler leur peur. Leur répugnance pour les violences manifestes indique que ces femmes ne veulent pas, comme on a pu le dire, être punies ou blessées. (…) En abordant le thème général du viol et ses répercussions sur l'héroïne, la romance donne à la lectrice l'occasion d'explorer les conséquences d'un événement similaire dans sa propre vie. Mais, en suggérant que le viol est soit une « bêtise », soit l'expression d'un désir incontrôlable, elle peut aussi, en lui montrant comment rationaliser un comportement violent, contribuer à nourrir un illusoire sentiment de sécurité qui la rassure et la retient d'envisager des changements radicaux. »9 (Janice Radway, 2000)
Féminisme et Dark Romance : qu'en est-il vraiment ?
La question se pose : est-ce que la Dark Romance va de pair avec le féminisme ? C'est une question très compliquée à répondre, on ne va pas se mentir. Les avis divergent et il est impossible de trancher réellement sur cette question. Tout dépend du point de vue des lectrices, de l'histoire et de ce qu'il s'y passe, des objectifs de l'autrice et de ce qu'on fait de cette lecture. Il est difficile en Dark Romance de tout mettre dans le même panier puisqu'on n'arrive pas encore à la définir réellement. Cependant, lire de la Dark Romance doit être pris au sérieux. Ces livres ne sont pas à mettre dans toutes les mains : il est important de prendre du recul par rapport à ces récits, de discuter de ce qu'on lit et de ne pas prendre au pied de la lettre tout ce qui y est écrit. Sur le papier, la Dark Romance ne va pas de pair avec le féminisme et est à l'encontre des combats des femmes. Cependant, la Dark Romance s'inscrit dans un contexte de "blacklash" et est écrit par des femmes pour des femmes. On peut explorer d'autres pistes d'analyses : est-ce que la Dark Romance ne serait pas une réponse à l'oppression que peuvent vivre les femmes depuis des millénaires ? Lire de la Dark Romance ne serait-il pas pour certaines une manière de reprendre le pouvoir sur ce qu’elles ont vécu ? De contrôler ce qu’elles lisent ou vivent ?
Conclusion :
La Dark Romance reste encore quelque chose de très nouveau, qui n'est clairement pas encore définie. Chacun va avoir sa vision des choses tout comme les maisons d'édition ou les libraires. Quoi qu'il arrive, tous les maillons de la chaîne du livre (éditeurs, libraires, influenceurs, distributeurs....) et les parents ont un rôle crucial à jouer sur cette question auprès des plus jeunes. Il s'agit d'une littérature à prendre au sérieux. Qu'on aime ou non, la Dark Romance ne peut pas être lue par n'importe qui, à n'importe quel âge. On peut se demander si dans les années à venir des décisions gouvernementales seront prises sur la question. Le Pass Culture, qui est à destination des 15-18 ans, permet d'acheter des Dark Romance par exemple.... La chaîne du livre surfe sur l'essor de cette littérature et ses ventes fulgurantes mais jusqu'où sommes-nous prêts à aller pour vendre et faire du chiffre ? Ainsi, tendons-nous vers un appât du gain au détriment de l’impact que ces livres pourraient avoir sur les lectrices ? C’est ce que soulève une libraire, Elsa Mittelette pour Libération :
« Les jeux vidéo ont des PEGI [Pan European Game Information, un système d'évaluation qui classifie les jeux par âge], les films des limites d'âge, il faut penser à établir ces restrictions pour l'objet livre. C'est aussi à l'éditeur d'alerter plutôt que de capitaliser sur l'appétence des adolescentes pour les récits de relations toxiques et patriarcales. » 12
Je reprécise bien évidemment, qu'ici, vous avez accès à un article réalisé sur des enquêtes, des recherches sociologiques, scientifiques et non, mon avis personnel. Le but n'est pas de taper sur les doigts de qui que ce soit, de viser qui que ce soit non plus, ni d'harceler qui que ce soit.
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